La Cour des comptes vient de publier un rapport sur le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. Nous profitons de l’occasion pour relayer le témoignage de SSIAD récemment rencontrés et qui ont bien voulu partager les difficultés concrètes auxquels ils sont confrontés. Mais aussi les propositions qu’ils formulent pour les dépasser.
1. Poursuivre les efforts en faveur de l’individualisation des prises en charge
Chaque personne a des caractéristiques qui lui sont propres et qui nécessitent donc une prise en charge individualisée. Celle-ci est définie par l’infirmière coordinatrice (IC) lors de la première visite à domicile. La principale difficulté rencontrée réside dans le degré de personnalisation du service apporté (par exemple : dans quelle tranche horaire la douche doit être prise) et l’équilibre à trouver avec les conditions de travail des agents (horaires des tournées, organisation du travail les WE et jours fériés).
Des améliorations sont jugées particulièrement nécessaires dans le cas des personnes les plus dépendantes ou en fin de vie, avec des questions de fond portant sur les limites de l’intervention des SSIAD. La mise en place de binômes aide-soignante / auxiliaire de vie fait partie des propositions, ce qui renvoie au thème de la coordination (cf. infra) et à la constitution de services polyvalents d’aide et de soins à domicile. Une autre piste concerne l’accès aux ressources des ESAD (équipe de soins Alzheimer à domicile) en cas de besoin : psychomotricienne, ergothérapeute. Les aides-soignantes et les infirmières ont également la conviction qu’il est indispensable de dépasser la simple exécution des actes prescrits et d’aller vers plus d’écoute et de mobilisation pour permettre aux personnes de vivre mieux et plus longtemps chez elles, selon les principes popularisés par l’organisation néerlandaise Buurtzog.
Enfin, plus de temps d’infirmière coordinatrice permettrait de réduire le délai de réévaluation des situations, et donc d’ajustement de la prise en charge, lorsque l’un des intervenants signale une évolution de la situation de la personne.
2. Renforcer la coordination des interventions
Les SSIAD effectuent un travail de coordination, assuré par une IC. A l’instar de l’individualisation des prises en charge, cette coordination contribue fortement à la qualité du service rendu. Les obstacles à cette coordination - tant interne qu’avec les différents acteurs de santé sur le territoire (infirmières libérales, HAD, hôpital,…) - sont de différentes natures : temps disponible, méthodes de travail, partage des informations.
Pour renforcer la coordination des interventions, les SSIAD proposent d’agir sur plusieurs leviers. Le premier d’entre eux est de définir des temps de réunion entre les différents acteurs de la prise en charge et d’en préciser les indications et modalités dans une convention de collaboration à passer avec chacun d’entre eux. Sur un plan plus général, le partage d’informations est considéré comme un important axe de progrès.
Outre les temps de réunion évoqués ci-dessus, il est proposé de faciliter la mise en place de systèmes d’information modernisés, garantissant la cohérence et la continuité des interventions. Les principales fonctions attendues sont le partage du dossier de suivi des soins, le planning des interventions et la gestion des transmissions et alertes ciblées. La fiabilité et la sécurité des données, l’utilisation de matériels adaptés à la mobilité (smartphones, tablettes), l’interopérabilité des systèmes des différents acteurs et la formation du personnel sont les quatre conditions de réussite identifiées. A noter que sur les questions d’interopérabilité, l’association EDESS de standardisation des échanges d’information dans le secteur médico-social lance prochainement une enquête, à laquelle les organismes gestionnaires de SSIAD pourraient participer.
Enfin, la notion de référent de proximité est régulièrement évoquée, mais sa définition précise et les conditions de sa mise en œuvre restent à préciser.
3. Ne pas négliger les questions relatives au matériel
« Il y a un problème avec le matériel ! » Cette phrase souvent entendue recouvre une certaine diversité de situations : absence du matériel nécessaire au domicile, matériel restant au domicile alors que cela n’est plus justifié par l’état de la personne, matériel abimé ou inadapté, difficulté d’utilisation par manque de formation, etc. Cette dimension logistique des prises en charge est parfois sous-estimée.
Plus de fluidité dans le processus d’évaluation du besoin en matériel, de prescription, de commande, de suivi est nécessaire. Ceci passe par du temps d’IC bien sûr, mais également par une plus grande réactivité des autres maillons de la chaine : médecin traitant, fournisseur, aidant familial. Une meilleure information des familles et plus de formation des personnels sont également à envisager.
A plus long terme, la participation des SSIAD aux projets d’économie circulaire des aides techniques (achat, mise à disposition et recyclage) pourrait être encouragée.
4. Veiller aux ressources humaines
Il n’est pas donné à tout le monde de bien s’occuper d’une personne âgée en perte d’autonomie. Si aider autrui est le plus souvent gratifiant, il n’en demeure pas moins que le personnel est exposé aux risques du métier (stress, anxiété, lombalgies, sciatiques, épuisement professionnel, …), avec des conséquences qui peuvent être lourdes pour le service rendu, la santé des agents et les équilibres budgétaires.
Quelles que soient les acquis de la formation initiale, l’importance de la formation continue est soulignée, pour améliorer le service rendu, éviter le recours aux infirmiers libéraux et prévenir les risques professionnels. En particulier, les formations à la maîtrise du matériel disponible chez le patient et la remise à niveau annuelle concernant les gestes et postures sont plébiscitées. Les séances d’analyse de la pratique sont également considérées comme très utiles. Plus généralement, la demande de maintenir des temps de réunion et de partage montre l’importance accordée à la cohésion d'équipe.
L’organisation et l’affectation des tournées est un autre levier, par exemple pour éviter le cumul de prises en charge lourdes par le même agent.
Enfin, la question de la sécurité des agents qui interviennent dans les quartiers sensibles mérite d’être approfondie, pour mieux évaluer le risque professionnel et identifier les mesures préventives adéquates.
Individualisation des prises en charge, coordination des interventions, gestion du matériel, ressources humaines : sur chacun de ces points, l’Etat pourrait avoir un rôle à jouer, que ce soit à travers l’évolution des règles de financement, la facilitation du partage des informations entre services sociaux, médico-sociaux et sanitaires, l’organisation territoriale de « marchés des matériels », l’évolution des budgets de formation.